Maurice Ravel Piano works Romain Descharmes

Maurice Ravel
Piano works
Romain Descharmes

Valses nobles et sentimentales
Gaspard de la nuit
Sonatine
La Valse 

S'il est assez fréquent que les pianistes enregistrent l'intégralité des oeuvres de Ravel pour piano seul qui tient sur deux disques, le pianiste Romain Descharmes qui signe là son second disque après un disque Brahms, interprète une sélection mais à laquelle il a ajouté une oeuvre qui ne fait pas toujours partie des intégrales car considérée un peu à part s'agissant d'une transcription d'une oeuvre pour orchestre : "La valse" , existant également dans une version pour deux pianos. Celle-ci laisse au pianiste une large part d'improvisation et est particulièrement difficile. Le hasard a fait que j'ai eu précisément l'occasion d'être à Montpellier l'été dernier alors que Romain Descharmes a joué cette pièce en concert lors du festival Radio France Montpellier Languedoc Roussillon. Etant donné mon propre enthousiasme et celle du public entier, son disque qui précisément comporte cette pièce d'une grande difficulté technique est à découvrir absolument. Il vous permettra d'en apprécier son interprétation remarquable et captivante qui dégage une très belle énergie communicative tant sur cet enregistrement qu'en concert.
Bien sûr le reste de l'album est aussi remarquable avec notamment d'autres Valses qualifiées quant à elles .... de "nobles et sentimentales" demandant un jeu contrasté et sensible qu'il possède tout à fait, ainsi la première valse elle aussi énergique "modéré très franc" que vous pourrez entendre plus bas est suivi d'une deuxième valse d'un tempo "assez lent" particulièrement splendide, d'une grande intériorité.... Quant à "Gaspard de la nuit" exigeant tout autant que "la valse" citée plus haut , une grande technicité et considéré comme l'un des plus grand chef d'oeuvre pianistique du 20 ème siècle, il en exalte avec talent les différents éléments ou personnages suggérés dans les poèmes qui ont inspirés les trois pièces de ce tryptique poétique notamment la fée aquatique de "Ondine" , le tintement des cloches et l'atmosphère lourde où raisonne les plaintes d'un pendu dans "Le Gibet", et le gnome démoniaque Scarbo. Romain Descharmes a bien voulu répondre à quelques questions sur celui-ci en complément à celles sur son parcours :
Quand avez vous découvert la musique de Ravel, qu’en avez-vous pensé alors et quelle place représente-t-elle aujourd’hui pour vous ?
Ma première grande expérience avec Ravel a été le concours d'entrée au CNSMP. J'avais choisi Scarbo comme oeuvre libre. Je me souviens d'un travail titanesque. Rien que pour déchiffrer la partition et ensuite réussir à bien la faire sonner, cela m'a pris de nombreuses semaines. Ce qui m'a séduit tout de suite dans l'oeuvre entière de Ravel (que je découvrais petit à petit), c'est cette expression toujours pudique et malgré tout infiniment intense et expressive. J'aime cette façon qu'il a d'avoir un discours comme " coupé au couteau ", parfois âpre, doublé d'harmonies sans cesse surprenantes et d'un raffinement extrême.. J'ai l'impression que rien n'est laissé au hasard, chaque note, chaque ligne a sa propre signification. Et lorsque je dis que j'imagine le piano comme un orchestre, en tant qu'orchestrateur de génie, Ravel et sa musique sont pour tous les pianistes une source d'inspiration et d'imagination sonore sans limite.
Il y a, malgré tout, certaines oeuvres de Ravel que je n'ai jamais encore jouées. Elles seront peut-être l'occasion d'un 2ème disque pour compléter l'intégrale.
Votre disque est enregistré par le label Audite qui est un label allemand , qui n’a hélas pas traduit le livret de votre disque en français, dans quel circonstances ce label a-t-il choisi de vous éditer ?
Suite au concours Perlemuter, où j'ai eu le 1er prix, voilà un exemple qui montre l'intérêt des concours... Le disque a pu voir le jour grâce au soutien de Kawai. J'ai joué sur un nouveau modèle du fameux "Shigeru Kawai", du nom de son créateur. Une mécanique incroyable et une sonorité très agréable avec laquelle je pouvais faire varier les couleurs et les intensités très facilement, avec en prime un technicien sur place prêt à régler chaque petit détail. Un vrai luxe pour un pianiste ! C'était ce type de piano qu'on a généralement pas dans son salon mais qui est un pur bonheur à faire sonner.
L’auteur de votre livret dit que si l'on devait de visualiser l'histoire de la musique du piano comme un paysage montagneux, l'œuvre de Maurice Ravel aurait sans doute une forme de pointe au sein de ce panorama. Il s’agirait du Massif Central… que pensez vous de cette image personnellement ?
Cette image de "pointe" me semble appropriée pour souligner que la musique de Ravel est incontournable, ou peut-être juste en raison de sa musique sans cesse aiguisée...
Vous n’avez pas choisi d’enregistrer l’intégrale de l’œuvre de Ravel qui habituellement tient en deux disques mais avez fait une sélection , quels ont été vos critères pour faire cette sélection ?
Lorsque j'ai eu cette opportunité d'enregistrer chez Audite, il a fallu faire un choix entre toutes les oeuvres de Ravel. Et depuis longtemps, je m'étais dit que, si je venais à enregistrer un disque de ce compositeur, je le ferais avec ces oeuvres-ci. J'ai donc pu les "maturer" et essayer, dans le temps et au fur et à mesure des concerts, différents tempi, nuances ou interprétations.
Dans ce disque, il y a à la fois des miniatures, sortes de petits bijoux et également de grandes oeuvres qui font assurément partie des chef d'oeuvres de la littérature pianistique.
La sonatine est un hommage à la petite forme, fondée sur un intervalle de quarte duquel toute la musique découle. En quelque pages, on est transporté de la rêverie du début à la plénitude dans le 2ème mouvement puis à un ouragan dans le final, mais avec toujours cette pointe de tristesse qu'apporte ces harmonies modales si ravéliennes.
Je trouvais également intéressante l'opposition entre les miniatures nobles et sentimentales et cette valse géniale qui conduit à la fin du monde. D'un côté, on a ces "bijoux" tantôt âpres, tantôt suaves, tantôt tristes ou excités qui s'évaporent jusqu'à ne laisser que des resonnances et des réminiscences de tout ce qui a précédé. Et de l'autre, on a cet hommage à Strauss complètement bouleversé par la 1ère guerre mondiale et qui se transforme en un paysage cataclysmique qui suggère la fin de l'humanité. J'adore jouer cette valse en concert. Ce crescendo dramatique, cette tension irrépressible, cette sensation de chaos fait que le public reste comme cloué sur son siège en se disant "jusqu'où peut-on aller". Et généralement, aprés l'avoir jouée, je me sens "vidé" de toute énergie et à bout de souffle tellement cette géniale tornade est éprouvante psychologiquement et physiquement.
En ce qui concerne Gaspard de la nuit, on retrouve le génie de Ravel dans cette façon qu'il a de décrire une situation, des personnages, une ambiance. Et cela colle exactement avec les poèmes de Aloysius Bertrand. On imagine aisément la voix d'Ondine, mi-ange, mi-démon dans la premère pièce, le pendu qui se balance au soleil couchant dans le Gibet, le petit diable angoissant dans Scarbo. Quand je travaille ces pièces, je relis souvent ces textes qui se trouvent imprimés au début de chaque partie. Et alors, la façon d'écouter ou de réécouter se transforme, et on ne voit plus ce monument comme une pièce pianistique mais bien comme une illustration de l'expression d'un sentiment ou d'une peinture.

Comment s'est passé votre enregistrement ?
J'ai eu l'occasion de rôder de nombreuses fois les oeuvres que j'ai enregistrées. Et c'est primordial pour être à l'aise devant les micros. L'exercice de l'enregistrement est vraiment très spécial et n'a rien à voir avec le concert. Il faut garder un naturel et un engagement maximum à chaque prise, même s'il arrive de buter sur un pasage qu'on voudrait parfait et qui ne fonctionne pas. Pendant l'enregistrement, je suis un peu le même que pendant mon travail, je n'aime pas rabâcher. Le anectotes sont nombreuses de musiciens, qui, après avoir répété pendant des heures le même passage, finissent par choisir la première prise. En même temps, l'inverse est parfois vrai. Et c'est en réécoutant que l'on prend conscience que tel tempo, telle articulation ou tel dosage de pédale est le meilleur.
Parfois, le mieux est de faire une prise complète, dans la situation d'un concert. C'est ce qui s'est passé pour la Valse. L'ingénieur du son a laissé tourner l'enregistrement et avec le technicien du piano et le responsable de Kawai, ils sont venus s'asseoir pour écouter. Je l'ai enchainé deux fois, et finalement, seulement très peu de petites retouches ont été nécessaires. A nous d'avoir suffisamment confiance dans l'écoute du directeur artistique qui a une oreille neuve et extérieure, et qui convainc souvent que quelques fausses notes sont sans importance si l'élan et l'engagement musical sont là. Ce qu'il faut se dire, c'est que l'enregistrement n'est qu'une photographie d'une interprétation à un instant donné. Et que bien sûr chaque version sera différente d'un jour à l'autre mais il faut être le plus investi possible dans chaque prise et oublier l'idée que ça pourrait être toujours mieux. Ce sera toujours différent.
Pour le Gibet par exemple, là aussi, j'ai enchainé des prises complètes et il n'y a pas eu de montage possible, tant l'atmosphère est lourde, sombre et immobile. Je pense que les montages n'auraient fait que casser cette ambiance
La valse présente effectivement une part d'improvisation qui complexifie le travail de l'interprète...
Ce que j'ai beaucoup aimé dans la Valse, c'est que j'ai choisi d'abandonner parfois la partition de piano seul, pour finalement faire une version à partir de la partition d'orchestre. C'est un travail passionnant que j'ai beaucoup pratiqué dans la classe d'accompagnement. Et alors, ce que je disais sur la façon de penser le piano comme un orchestre prend tout son sens. J'ai dû faire des choix pour rajouter des parties, en éliminer d'autres, simplement pour que cela sonne correctement. Et l'avantage de ces arrangements est qu'on peut les écrire de la façon la plus commode pour nous techniquement.

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Pour écouter Valses nobles et sentimentales -1- Modéré très franc , de Maurice Ravel
interprété par Romain Descharmes

avec l'aimable autorisation du label Audite
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