Liszt Harmonies Poétiques et Religieuses Pascal Amoyel
Liszt
Harmonies Poétiques et Religieuses
Rêves d'amour
Ballade n°2 en si mineur
Romance,"O pourquoi donc"
Romance oubliée
Pascal Amoyel
Après un très remarquable double album des Nocturnes
de Chopin, qui a contribué à sa Victoire de la musique
"Révélation soliste" en 2005, et après
un disque de l'intégrale des Poèmes de Scriabine,
Pascal Amoyel revient encore avec un répertoire que l'on
peut qualifier de "tailler sur mesure" quand on a pu mesurer
son talent exceptionnel dans ses interprétations profondes
et poétiques, et sachant que Liszt est un de ses compositeurs
de prédilection. Nul n'est besoin de vous convaincre que
ce nouvel album est à ajouter sans hésitation aux
côtés des précédents, son interprétation
de Funérailles, la pièce la plus jouée de ce
recueil par nombreux pianistes, est assurément des plus prenantes
jamais entendues. Pour parvenir à ce résultat ne pas
la séparer des autres pièces du recueil "Harmonies
Poétiques et Religieuses"était sans doute
aussi un choix fort judicieux.... Pascal Amoyel a bien voulu répondre
à quelques questions autour de ce disque :
Était-ce
un répertoire que vous aviez envie de réaliser depuis
longtemps, et avez préféré laisser «
mûrir » ou une envie récente ?
A vrai dire pour des raisons que j'ignore, comme une sorte d'alchimie
avec l'instant présent, l'envie de jouer un certain répertoire
se transforme parfois en un besoin irrépressible. Les Harmonies
Poétiques et Religieuses sont porteuses d'un silence qui
m'est aujourd'hui sans doute à la fois très proche
et indispensable.
Comment avez-vous travaillé cette
œuvre ? Avez vous eu besoin de conditions particulières
de réflexion voire de recueillement et lors de l’enregistrement
avez vous eu , comme lors de l’enregistrement des Nocturnes
de Chopin, besoin d’un contexte particulier ?
Lorsqu'on travaille une oeuvre, le plus difficile est de l'accueillir
et non pas d'aller vers elle. Ce qu'on appelle communément
expérience consiste peut-être en la reconnaissance
de tout ce qui peut venir entraver cette réception. Il s'est
s'agit cette fois d'une vigilance de calme intérieur qui
commença plusieurs semaines avant l'enregistrement.
Le fait d'aborder Funérailles dans
son contexte originel (avec l'ensemble des harmonies poétiques
et religieuses) vous a-t-il aidé dans votre interprétation
de cette pièce ?
Oui assurément. Le fait d'interpréter cette pièce
en l'incluant dans le cycle tout entier lui redonne sans doute sa
dimension originelle. Et au delà de chaque pièce particulière,
ce recueil est une oeuvre unique construit comme un parcours, avec
ses correspondances et ses contrastes, jusqu'à la lumière
finale du Cantique d'Amour.
Pensez-vous nécessaire d'avoir un
vécu personnel particulier aussi pour arriver à jouer
ces œuvres ?
Toute interprétation est d'une certaine manière
liée au vécu de celui qui en est l'auteur. Mais, au
delà de cela, elle échappe en même temps à
tout conditionnement. A un certain moment, on en vient même
à comprendre qu'on n'est l'auteur de rien, et on laisse alors
entièrement la musique nous inonder. En fait, ce n'est pas
le musicien qui porte la musique mais la musique qui porte le musicien.
Les Harmonies sont des méditations sur la mort, sur la vie,
sur l'enfance... Il y règne une conscience impersonnelle
qui dépasse largement ma propre personne ou même celle
du compositeur. Capter cet état sans identité représente
certainement la quintessence de l'émotion.
Que pensez-vous personnellement des poésies
de Lamartine ? Et plus particulièrement de ces mots dans
l’avertissement de ses Harmonies de Liszt : "Il
y a des âmes méditatives que la solitude et la contemplation
élèvent invinciblement vers les idées infinies
c'est à dire vers la religion...il y a des coeurs brisés
par la douleur, refoulés par le monde, qui se réfugient
dans le monde par leurs pensées, dans la solitude de leur
âme pour pleurer, pour attendre et pour adorer"
La poésie tente d'approcher cette conscience et, les mots
étant réducteurs, elle les dépasse en prenant
plaisir à les agencer. Liszt choisit les poésies de
Lamartine comme des portes d'accès au non manifeste de sa
propre musique. Mais je suppose que l'inverse aurait pu être
aussi vrai, même si Lamartine n'aimait apparemment pas beaucoup
la musique !
Avez-vous une âme méditative
?
Pas au sens d'une discipline pour trouver un ailleurs. L'observation
de soi-même permet souvent de battre en brèche certaines
illusions. La méditation, c'est juste l'attention intérieure,
le contact avec la réalité qui évite souvent
de tomber dans l'inconscience de l'ego.
Qu’avez-vous envie de partager avec
le public en interprétant ces œuvres ?
Peut-on partager le silence? Ne nous habite t-il pas tous? Il
y a une absence totale de but. C'est certainement cela qui nous
touche le plus dans l'art. En fait, il s'agit plus d'un sentiment
de communion que de partage. Mais là encore les mots ne peuvent
traduire ce sentiment. Car communier voudrait dire que plusieurs
entités s'unissent. Or à ce moment, public, interprète,
compositeur, musique ne font plus qu'un.
Qu’est-ce qui vous a conduit à
choisir d’associer ces Harmonies poétiques et religieuses
à Rêve d’amour, La romance oubliée ?
Il m'a semblé naturel de mettre en regard les inspirations
mystiques et profanes ("ambivalence" que l'on retrouve
dans le recueil même des Harmonies Poétiques et Religieuses)
au cours des années 1845-1855. En général,
on a vite fait d'étiqueter un artiste. Liszt, c'est pour
certaines personnes le virtuose, pour d'autres le visionnaire, pour
d'autres encore le romantique par excellence. En fait c'est tout
cela à la fois, et c'est pourquoi ce n'est rien de tout cela ! Il
faut laisser tomber les concepts car ils nous empêchent d'écouter
la musique. Et Il n'y a que l'écoute...
A écouter : "Funérailles"
avec l'aimable autorisation de Pascal Amoyel et du label Calliope.
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Liszt
- Agnès Jourdain
