Le disque du moment

Louis Moreau Gottschalk
Laure Favre-Kahn

En ce jour (10 mai 2006) de première commémoration de l'esclavagisme, ce disque arrive fort à propos : le compositeur Louis Moreau Gottschalk(1929-1869) affirma en effet ses convictions abolitionnistes lors de la Guerre de Sécession en donnant plus d'un millier de récitals au bénéfice des hôpitaux et victimes civiles. Il s'exila, par la suite en Amérique du Sud où il mourut à l'âge de 40 ans des suites d'une fièvre jaune selon certains musicologues , d'une péritonite selon d'autres... Mais pour revenir à ses débuts...

Ce " curieux et attachant personnage" , dont le patronyme signifie "dieu rusé" et auquel est d'ailleurs consacré un chapitre entier de l'intéressant et amusant livre "Le roman du piano" de Dieter Hildebrandt,est né en 1829 d'un père commerçant d'origine allemande et d'une mère...française émigrée en Louisiane après l'abolition de l'esclavage décrétée dans les années 1790 en Haïti.
En raison de ses dons précoces pour la musique, Louis Moreau Gottschalk débarque avec sa mère à Paris en 1842 dans l'espoir de suivre des cours de piano au conservatoire, mais il se voit refuser par le professeur Pierre Zimmermann qui considère que "L'Amérique ne peut rien produire de bon que des machines à vapeur" (il est vrai que les pianos Steinway ont eu une réputation en Europe que quelques années plus tard). Finalement il travaille le piano en privé avec Charles Hallé et Camille Stamaty. Lors du récital qu'il donne à la salle Pleyel en 1845, Frédéric Chopin le remarque et lui dit une phrase très encourageante :" Mon enfant, je prédis que tu deviendras le roi des pianistes".Berlioz s'enthousiasma aussi de l'audace, la brillance et la spontanéité de son jeu.

Louis Moreau Gottschalk enchaîna les tournées européennes de 1849 à 1852, année où il retourna aux États-Unis et connu un immense succès . De 1857 à 1862 il visite Cuba, les Antilles ,Porto Rico, Haïti, le Venezuela , les Guinées et le Brésil, donnant encore très nombreux récitals. Enfin pour échapper au scandale qu'il a provoqué en séduisant un jeune étudiante d'Oakland il dut donc s'exiler en 1865, en Amérique du Sud.

Cette courte biographie explique en partie la musique de Louis Moreau Gottschalk, influencée à la fois par la musique romantique européenne, plus particulièrement de Chopin et Liszt - "Suis moi" n'est pas sans rappeler certaines polonaises ou mazurka de Chopin - ainsi que la musique hispanique - les pièces "Souvenirs d'andalousie" ou encore "Manchaga" s'inspirent de thèmes populaires espagnoles - et le folklore créole - tel dans la brève danse cubaine au titre parlant "Ojos criollos"(yeux créoles) . Une pièce du disque, "Union" , inspirée par les tragiques épisodes de la guerre de Sécession et l'assassinat de Lincoln, montre aussi le talent de Louis Moreau Gottschalk à exploiter au piano des airs nationaux américains.

Malgré ce succès, ses œuvres pour piano ont longtemps été oubliées pour n'être réhabilitées qu'à partir de 1956 car souvent rejetées par une élite qui les considéraient comme métissées et perverties. Certes la virtuosité, l'humour et l'allégresse de nombreuses pièces ont pu peut-être déconcerter certaines âmes tristes, par leur rythme "endiablé" de ce "dieu rusé", mais il est plus surprenant que mal puisse avoir été décelé dans certaines autres aux mélodies sentimentales voire sombres, tel l'opus 60 : "Morte !! Lamentation", très émouvant nocturne .
Enfin certaines pièces combinent toutes ces caractéristiques et sont aussi splendides : le Grand Scherzo écrit en 1869, à la fois très virtuose et tendre est à écouter et réécouter...pour vous mettre en "appétit" en voici le début offert par le label TRansart..utilisez le lecteur ci-dessous, cliquez sur le triangle...

La pianiste Laure Favre-Kahn, lauréate en 2001 du Concours International Propiano à New-York, est quant à elle attachante tant par la fougue et vivacité, que l'on trouve dans ses interprétations pianistiques que par l'univers poétique qu'elle offre par son jeu très sensible.
Ces qualités qui avaient permis de découvrir, dans un précédent enregistrement, les Valses de Chopin dans une sonorité moderne stupéfiante, offrent aujourd'hui ces pièces d'un estimé "roi des pianistes" par ce même compositeur, avec une virtuosité, un entrain et un toucher délicat qui en fait apprécier leur exotisme, humour et poésie.

Laure Favre-Kahn est aussi admirable pour son implication dans de nombreuses causes humanitaires : elle est la marraine d'une association nommée "Caméléon", ayant pour objet de venir en aide aux filles abusées et aux enfants défavorisés de ce pays et a crée sa propre association "Madamusiques" pour permettre le développement de l'enseignement de la musique classique à Tananarive aussi soyez nombreux au concert qu'elle donnera le 17 juin : Chopin, Rachmaninov, Gottschalk au profit de l'association CAMELEON...cliquez ici pour en savoir plus et réserver

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