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Jean Cras et Gabriel Fauré avec Laurent Wagschal

 

 

 

 

 


 

 

 

Jean Cras(1879-1932) Mélodies
Chloé Waysfeld, Christophe Crapez, Philippe Cantor, Laurent Wagschal
Gabriel Fauré( 1845-1924) Nocturnes
Laurent Wagschal

Double actualité pour le pianiste Laurent Wagschal avec deux disques où l'on peut (re)découvrir deux facettes de son talent, comme accompagnateur, cette fois avec trois chanteurs lyriques , et seul, dans des oeuvres de deux compositeurs français dont l'un méconnu, son répertoire de prédilection. D'abord un disque de mélodies de Jean Cras, breton envers lequel, explique Christine Prost auteur du livret, "La nature se montra particulièrement généreuse" ce qui lui permit mener de front la carrière d'officier de marine et une activité musicale de niveau professionnel qui était pour lui essentielle...même si comme il le confia à sa femme : "Quelquefois, il me prend des envies de tout lâcher et d'aller me promener n'importe où. "
La technique de Jean Cras s'est forgée essentiellement par un travail personnel rigoureux et soutenu, son seul maître fut Duparc mais il s'est nourri de l'analyse de partitions d'autres grands maîtres dont ...Gabriel Fauré. Son inspiration lui vient d'ailleurs essentiellement de compositeurs qui lui sont contemporains ainsi de son maître Duparc, de Fauré, de Debussy... pour des textes issus de recueils de poèmes de Verlaine, Baudelaire, Maeterlinck, et autres textes d'essence spirituelle moins connus comme ceux du mathématicien, astronome et philosophe, de surcroît poète, Omar Khayyam, qui expriment le fond de sa pensée sur la vie et la mort, sur le monde et les hommes. Cette sélection de mélodies, qui datent de la jeunesse du compositeur jusqu'à sa mort, dont certaines inédites, se termine par un dernier cycle dont il a lui même écrit les textes, sur les trois étapes essentielles d'une vie : la rencontre, l'aveu, la mort, et qui cette fois ultime s'inspire de la musique folklorique de sa région natale. L'album qui débute par des images de houles marines, de bercement de vagues chers à Jean Cras permet de découvrir l'univers original de ce compositeur dans un voyage musical dont Laurent Wagschal maintien le cap avec dextérité sous des couleurs exaltées remarquablement par trois voix différentes qui alternent selon les cycles.
Ce ne sont pas des oeuvres pour piano seul de Jean Cras mais les nocturnes de Gabriel Fauré que Laurent Wagschal a choisi d'enregistrer pour son autre disque venant aussi de paraître et c'est avec un jeu toujours d'une même assurance et fermeté, d'une belle éloquence, qu'il offre ces pages intimes et introspectives. Il a en outre écrit le livret, aussi le mieux est de lui laisser la paroles pour vous présenter ces oeuvres et répondre à d'autres questions autour de son actualité.
Dans quelles circonstances s’est réalisé votre enregistrement des mélodies de Jean Cras ?
Le projet de cet enregistrement a été initié par Martine Bosc, petite-nièce de Jean Cras et, de ce fait, en possession de partitions inédites du compositeur, notamment de nombreuses mélodies de jeunesse. Mais comme malheureusement c'est souvent le cas des inédits, il nous est apparu rapidement que tout ne méritait pas d'être enregistré. Nous avons donc finalement préféré faire une sélection des mélodies les plus intéressantes et leur adjoindre trois grands cycles incontestablement parmi les chefs d'oeuvres les plus accomplis de Jean Cras : l'Offrande Lyrique, les Robaiyat et les Trois chansons bretonnes. Cet enregistrement s'est donc réalisé avec le concours de trois chanteurs spécialistes et grands passionnés de la mélodie : Chloé Waysfeld (soprano), Philippe Cantor (baryton), et Christophe Crapez (ténor).
Que pensez-vous de la musique d’accompagnement de Jean Cras ?
Dans ses premières mélodies, le rôle du piano se limite à un simple accompagnement de la voix ; on sent que le jeune Jean Cras est inexpérimenté et cherche encore sa voie, les influences les plus marquées venant de Fauré et de Duparc, qui fut son professeur. Mais on dénote déjà un grand talent mélodique. Progressivement son langage et son style va s'affirmer et s'orienter plutôt vers Debussy, le rôle du piano devenant alors plus important.
Enfin, avec l'Offrande Lyrique et les Robayait, Cras parvient vraiment à maturité dans un langage original et très chatoyant. La partie de piano apporte notamment dans les Robaiyat une touche orientale tout à fait extraordinaire.
Un cycle de mélodies est particulièrement original , c’est Jean Cras lui-même qui en a écrit les texte et la musique est inspirée du folklore breton , est-ce là finalement que se dévoile le « vrai » Jean Cras, dans ce recueil composé précisément l’année de sa disparition ?
Non, on ne peut quand même pas dire que toutes les oeuvres qui ont précédé n'étaient pas de Jean Cras ! Certes, ce recueil est particulièrement attachant et touchant, il est certain aussi que Jean Cras était très attaché à la Bretagne, sa terre natale, mais cette incursion dans le folklore breton reste exceptionnelle dans son oeuvre. Ecrites seulement quelques mois avant sa disparition, on peut considérer que ces Chansons Bretonnes sont en quelque sorte son testament musical, la dernière chanson évoquant d'ailleurs la mort de manière très émouvante. On notera dans cette pièce la magnifique intervention du piano seul, lorsque l'amant désespéré d'avoir perdu sa belle, souhaite mourir à son tour et dit : « Je ne veux rien que le
trépas, Dieu ne me le refusez pas, Menez-moi vers elle »
Avez-vous également eu l’occasion de jouer la musique pour piano seul de Jean Cras et qu’en pensez-vous ? Pourquoi à votre avis est-elle méconnue aujourd’hui ?
Jean Cras était un excellent pianiste et a laissé pour le piano une oeuvre très intéressante et originale. J'ai déjà eu effectivement l'occasion de mettre dans le programme de mes récitals des pièces de Cras : j'ai joué notamment les Paysages (Maritime et Champêtre). J'aimerais aussi à l'avenir jouer les Danze, qui constituent le cycle le plus important et le plus abouti de son œuvre pianistique. Il s'agit effectivement d'une oeuvre assez méconnue, et je n'ai pas vraiment d'explication à cette injustice, sinon que c'est une spécificité bien française de négliger nos propres compositeurs ! Pourquoi ne joue-t-on pas non plus Chabrier, Roussel, Schmitt ou Dukas ?
Vous qui aimez faire découvrir des compositeurs français peu joués pourquoi avez-vous plutôt choisi d’enregistrer les nocturnes de Gabriel Fauré plutôt que l’œuvre pour piano seul de Jean Cras ?
Il est évident que Fauré, qui est un de nos plus grands compositeurs, n'a pas non plus aujourd'hui la place qu'il mérite (à supposer qu'il l'ait jamais eue !). Si certes, tout le monde connaît sa musique, il reste malgré tout négligé, mal aimé, et souvent incompris : beaucoup de gens, mélomanes et même musiciens, de leur propre aveu, ont beaucoup de mal à le comprendre et l'apprécier. Je crois donc malheureusement que Fauré a besoin aussi d'être défendu !
Que représente Gabriel Fauré dans votre répertoire ? Quand avez-vous découvert les nocturnes de Fauré et qu’en avez-vous pensé à l’époque ?
Gabriel Fauré est un compositeur que j'aime et admire profondément. J'ai travaillé le 4ème nocturne très jeune alors que j'avais 12 ans, et j'ai immédiatement adoré cette pièce. Comme je déchiffrais déjà bien, j'ai lu tout le volume des 8 premiers nocturnes, et je me suis pris alors de passion pour la musique de Fauré. Concernant les œuvres de la dernière période, je les ai découvertes plus tard, durant mes études au Conservatoire de Paris, notamment grâce aux deux sonates pour violoncelle et piano. Je joue donc régulièrement et depuis longtemps Fauré et notamment ses nocturnes, que j'ai toujours souhaité enregistrer un jour.
Vous avez écrit vous-même le texte du livret de votre disque, présentez-vous vous aussi parfois les pièces que vous allez jouer lors d’un concert ?
Oui, de la même manière que j'écris moi-même le livret de mes disques, j'aime présenter aussi les oeuvres de mon programme, lors de mes concerts. Je le fais succinctement et de manière accessible à tous, en évitant des considérations trop techniques. Je constate qu'il y a une forte demande en ce sens, et surtout, il me semble important, et j'ai besoin de créer ce contact avec l'auditoire. Je trouve plus chaleureux et plus convivial de parler et d'échanger avec le public avant de jouer, plutôt que d'arriver muet comme une tombe...
Vous indiquez que le premier nocturne est le plus réussi des cinq premiers qui appartiennent à ce que l’on appelle « la première période »de Gabriel Fauré mais paradoxalement c’est celui dont le climat se rapproche le plus du Requiem écrit quant à lui lors de la seconde période, le découpage des œuvres de Fauré en périodes chronologique est-il finalement judicieux ?
Traditionnellement, on distingue en effet trois périodes dans l'oeuvre de Fauré en fonction de l'évolution de son langage dans le temps. La première période qui va jusqu'aux années 1890 comprend les oeuvres directement issues du langage romantique, dans la lignée de Saint-Saëns, Chopin, Schumann. La deuxième période est sa période de maturité, Fauré s'affranchit définitivement de toute influence et se forge son langage harmonique très personnel, fait d'une subtile alliance de tonalité et de modalité. Enfin, la troisième période correspond aux vingt dernières années de sa vie, alors que Fauré va progressivement souffrir d'une cruelle forme de surdité : il n'entend plus les sons à leur juste hauteur, et vit désormais la musique
seulement intérieurement. Ses dernières oeuvres sont caractérisées par une écriture plus contrapuntique, une harmonie singulière et déroutante au premier abord, une grande densité et une certaine âpreté, tellement Fauré est loin de tout désir de plaire, de toute recherche d'effets faciles.
Maintenant évidemment, l'auditeur n'a absolument pas besoin de connaître ce découpage pour pouvoir écouter et apprécier la musique de Fauré. Car au delà de l'évidente évolution de son langage, on retrouve tout au long de son oeuvre, et dès ses premières pièces, des caractéristiques de style, de ton et de personnalité. C'est pourquoi on peut noter par exemple dans le premier nocturne, un climat qui annonce celui du Requiem.
Vous expliquez que le huitième Nocturne faisait à l’origine partie des pièces brèves op84 et Gabriel Fauré s’était opposé à ce que son éditeur l’intitule ainsi , pensez-vous qu’il faudrait respecter la volonté du compositeur, à votre avis cette pièce est-elle ou non effectivement un nocturne ?
Fauré a souvent été confronté à ce problème avec son premier éditeur Julien Hamelle : ce dernier le pressait immanquablement de donner des titres «commerciaux» à ses oeuvres, espérant augmenter ainsi ses ventes, et en ce sens, il avait sans doute raison... Ainsi, en 1884, lorsque Fauré écrit après l'Elégie une nouvelle pièce pour violoncelle et piano, il envoie le manuscrit avec le modeste titre « Pièce pour violoncelle et piano ». Hamelle lui propose alors de l'intituler « Libellule », puis hésite avec « Papillon ». Fauré, exaspéré, finit par exploser : « Papillon, Libellule, ou mouche à m..., faites comme vous voulez ! »
Toute l'oeuvre de Fauré exclut toute musique descriptive ; son fils Philippe explique très bien dans sa biographie consacrée à son père, que ce dernier aurait aimé intitulé simplement ses oeuvres Pièces pour piano, (exactement comme fait Brahms avec ses Klavierstücke). Concernant les Huit pièces brèves op.84, Fauré s'était donc formellement opposé à leur donné des titres, ce que Hamelle avait d'abord respecté dans un premier temps. Mais, en 1903, profitant d'une réédition de ces Pièces, et alors que Fauré est désormais édité chez Heugel, Hamelle enfreindra finalement ses consignes, sans même l'en aviser !
Pour revenir à votre question, c'est vrai que dans l'absolu, pour respecter le souhait du compositeur, il faudrait ne jouer que 12 nocturnes ! En tout cas, il est clair que cette « pièce brève » en ré bémol n'a pas du tout l'envergure d'un nocturne.
A partir de 1903 Fauré commence à ressentir les premiers signes de surdité et toute audition de musique devient un véritable supplice, or dans cette période ses capacités créatrices se sont développées . Cela vous inspire-t-il en tant qu’interprète l’idée de travailler ces partitions sans toujours les jouer ?
On ne peut être qu'impressionné par cette faculté d'entendre et d'écrire exclusivement en écoute intérieure, mais il faut savoir que bon nombre de compositeurs font de même, sans souffrir de surdité. De la même manière, il est effectivement très intéressant pour l'interprète de travailler une partition sans la jouer au piano, pour l'analyser, mieux la comprendre ainsi que pour l'apprivoiser.
Et plus généralement comment avez-vous travaillé pour préparer cet enregistrement ?
Pour les premiers nocturnes, je me suis efforcé de jouer simplement et naturellement, sans mièvrerie, avec intensité mais sans exubérance. Par contre, dans les derniers nocturnes, j'ai voulu jouer de manière libre et engagée, en évitant un jeu trop strict et austère. Enfin, j'ai voulu d'une manière générale éviter un jeu alangui ainsi que des tempi trop lents, ce que Fauré craignait et détestait par-dessus tout.
Y a-t-il un ou deux de ces nocturnes que vous préférez ?
Question difficile ! Mes nocturnes préférés sont les 1er, 4ème, 7ème, 11ème et 13ème bien sûr. S'il fallait n'en choisir qu'un, je pense que ce serait ce dernier, pour l'extraordinaire gravité et profondeur du choral initial, et le lyrisme passionné et juvénile (alors que Fauré est âgé de 76 ans !) de la partie centrale.
Jouerez-vous prochainement des nocturnes de Fauré en concert ?
Je présenterai prochainement mon enregistrement des Nocturnes de Fauré lors de deux concerts, le vendredi 12 juin à 20h au Temple Saint-Marcel à Paris, et le 20 août à 21h dans le cadre du Festival « Souffles d'été », à Cambo-les -Bains au Pays Basque.
Je suis très heureux d'avoir élaboré à cette occasion un programme original de « Musiques Nocturnes », avec un choix de pièces inspirées par la nuit de toutes époques et de tous horizons. Outre Fauré, je jouerai ainsi Chopin, Schumann, Liszt, Debussy, Ravel, Bartok et également deux
compositeurs d'aujourd'hui: Thierry Pécou et Vincent Wimart dont je ferai une création.
Pour écouter Laurent Wagschal et Christophe Crapez
Jean Cras "La rencontre" avec l'aimable autorisation du label Maguelone
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Pour écouter Laurent Wagschal
13ème nocturne de Gabriel Fauré avec l'aimable autorisation du label UT3 Records
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