Images Debussy Rameau Sabine Weyer Piano

Images

Claude Debussy (1862-1918)
Images Livre 2

Jean-Philippe Rameau ( 1683-1764)
Suite en la mineur

Claude Debussy
Images Livre 1

Sabine Weyer, piano

Ce sont des oeuvres de deux compositeurs français que la pianiste Luxembourgeoise Sabine Weyer a choisies pour son premier disque. Un programme qu'elle aura d'ailleurs l'occasion de présenter à Paris en concert, Salle Cortot dimanche 11 octobre 2015 .
Si la pianiste avait depuis longtemps les oeuvres de Debussy dans son répertoire, les recherches qu'elle a menées pour concevoir ce premier album - carte de visite - a été pour elle l'occasion de découvrir Rameau, mais elle a désormais, confie-t-elle à l'occasion d'un entretien à lire ci-dessous, très envie de jouer d'autres oeuvres de Rameau, outre la Suite en la mineur dont elle est "tombée amoureuse" ! Une oeuvre qu'elle a travaillée avec le claveciniste Frédérick Haas , dont les conseils lui ont, dit-elle , été bien plus utiles pour son interprétation que ne l’était la lecture du "traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels" de Rameau, traité de base pour toute la théorie musicale occidentale. Un traité défendu par Debussy, face à quelques autres compositeurs de son époque plus réticents. Pour la première fois dans l'histoire de la musique, Rameau a essayé de définir de façon précise et presque mathématique les règles de l'harmonie tonale et de la théorie musicale en général, ce qui pour Debussy, " qu'on le veuille ou non, est une des bases les plus certaines de la musique" et celui-ci affirmait aussi que s'il avait été moins oublié " L'art musical français n'aurait pas demandé aussi souvent son chemin à des gens trop intéressés à le lui faire perdre".
Dans son premier livre "Images", qui comme le second comporte trois pièces aux titres significatifs, figure ainsi un "Hommage à Rameau"..dont il est noté sur la partition " Lent et grave , dans le style d'une sarabande" .. . Vous pourrez écouter cette pièce en extrait dans cette page ainsi que la Sarabande de la suite en la mineur de Rameau, puisque Debussy s'est inspiré de cette forme, et vous constaterez par contre que l'on ne pourrait nullement reprocher à Debussy d'avoir plagié celui qu'il considérait comme «  un des fondements les plus sûrs de la musique », il y apporte ses couleurs très personnelles. Et par ce programme qui réunit les deux compositeurs, dans lequel la suite en la mineur de Rameau fait le pont entre les deux livres d'" Images" leurs mondes sonores , la pianiste Sabine Weyer nous montre que leur monde sonore se rejoignent cependant parfaitement et tous deux interpellent le pouvoir d'imagination de l'auditeur parfois de façon assez similaire. Ainsi le "Prélude" qui ouvre la suite en la mineur, surprend par son amplitude sonore spatial , que l'on retrouve souvent chez Debussy et la surprise continue tout au long du programme, par exemple Mouvement de Claude Debussy peut faire penser à la Gigue de la suite de Rameau.
Ce disque est votre premier disque, dans quelle circonstances a-t-il pu être réalisé ?
Le disque est publié auprès du label autrichien Paladino qui fait partie du groupe « Orlando Records » basé à Vienne, à distribution mondiale (plus d’une soixantaine de pays mondiaux).
Le disque a surtout pu être réalisé grâce aux financements généreux provenant de différentes institutions au Luxembourg : tout d’abord la Start-Up de l’ « Œuvre Grand-Duchesse Charlotte » qui m’a accordé une très importante somme. Puis j’ai également bénéficié du soutien de la « Fondation Indépendance » et du Fonds National Culturel (Focuna), notamment pour la réalisation du vidéoclip annonçant le disque.
Je l'ai enregistré au studio du Konzerthaus à Vienne, studio qui m’a été recommandé par un ami pianiste luxembourgeois à qui je suis très reconnaissante. Il s’agissait d’un ingénieur du son indépendant du label qui a ensuite publié le disque.
Quand et comment avez-eu l’idée d’associer des œuvres de Debussy et Rameau soit au concert soit précisément pour cet enregistrement ou avant… ?
En fait à la base, je voulais enregistrer de la musique de Debussy, que je joue en concert depuis des années et qui me tient particulièrement à cœur. L’idée d’y associer Rameau ne m’est venue que beaucoup plus tard. Le label refusait de publier un disque consacré uniquement à Debussy, sous prétexte que cela manquait en originalité….. Du coup, j’ai commencé à réfléchir à des compositeurs, éventuellement un peu moins connus aussi, que je pourrais associer à Debussy. Je n’ai été convaincue d’aucune de mes trouvailles….jusqu’à ce que je pense à Rameau ! J’ai commencé à m’intéresser de plus près à sa musique pour clavier et j’en ai été très rapidement fascinée. Ensuite je me suis mise à faire des recherches sur Debussy et son rapport à Rameau, et j’ai appris que Debussy vouait une très grande admiration à Rameau (ce n’était pas étonnant, sachant qu’il a écrit un « Hommage à Rameau » dans son premier Livre des « Images »). L’idée d’associer les deux compositeurs sur un même disque me semblait donc tout à fait justifiée et logique.
Je n’avais jamais joué de Rameau avant, cette suite est la première œuvre du compositeur baroque français que j’ai jouée. Néanmoins, j’en suis tombée tellement amoureuse que je vais très certainement en jouer d’autres bientôt….
Je n’ai jamais joué de programme similaire lors de concerts mais je trouve la démarche très intéressante au niveau musicologique et je vais certainement la refaire dans le futur.
Avez-vous eu l’occasion de lire( ou parcourir) le Traité d’Harmonie de Rameau ? Et qu’en pensez-vous ?
J’avais évidemment déjà entendu parler du Traité d’harmonie de Rameau à l’époque de mes études au Conservatoire de Bruxelles, mais je ne l’avais pas lu. Quand j’ai commencé à me plonger de plus près dans la musique de Rameau, j’en ai lu quelques extraits, qui sont certes très théoriques (mais utiles, même si je pense qu’ils le sont davantage pour les compositeurs que pour les interprètes) : il y explique les bases de l’harmonie, de l’accord de 3 sons et de ses renversements etc…
Quand j’ai, par la suite, travaillé pendant plusieurs mois avec un claveciniste, spécialiste de Rameau, je dirais que j’ai appris, sur le vif, un million d’informations importantes et intéressantes au sujet de l’exécution de la musique de Rameau au clavecin, ce qui m’a été bien plus utile pour mon interprétation que ne l’était la lecture du traité théorique.
Nombreuses musiques de différentes époques évoquent directement ou non des « images » , en quoi la Suite en la mineur de Rameau vous semblait-elle plus proche de la Musique de Debussy que d’autres ?
Il faut savoir que la suite en la mineur de 1706 de Rameau a été écrite alors que le compositeur n’avait que 23 ans…. C’est donc une œuvre de « jeunesse », extrêmement innovatrice pour l’époque (il s’agit du dernier prélude qui commence en style non-mesuré, typiquement baroque, et qui finit en prélude mesuré annonçant un style de Prélude nouveau). Rameau ose beaucoup de choses dans cette suite : innovations mélodiques, formelles, harmoniques (dissonances extrêmes, grands intervalles dans la mélodie….). C’est cet aspect novateur qui m’a interpellée et que j’ai essayé de rapprocher de la musique de Debussy, elle aussi, extrêmement « nouvelle » à son époque : élargissement du concept de la tonalité, dissolution de la mélodie « horizontale » au profit de couleurs dans lesquelles se mélangent mélodie et harmonie…. Debussy disait de Rameau qu « il était un des fondements les plus sûrs de la musique ». Fondements sur lesquels la musique de Debussy certes repose, mais que le compositeur n’a cessé d’élargir, d’enrichir, de développer.
Une des « Images » de Debussy est un hommage à Rameau , faites-vous un rapprochement précis de cette image avec une et plusieurs danses de la suite et, de même dans d’autres certaines images , faites-vous aussi des rapprochements ( harmonie etc… ) ?
Non, je ne peux pas dire qu’un rapprochement direct soit possible, cela me semble un peu trop « tiré par les cheveux ». Je crois que l’ « hommage »  que Debussy rend à Rameau se trouve plus dans le choix de la forme musicale : son Hommage à Rameau est une espèce de sarabande, comme chez Rameau, mais évidemment moins stricte, moins formelle, avec les moyens d’expression de Debussy. Mais le fait qu’un compositeur, au début du xxè siècle, décide d’écrire une Sarabande, forme de danse typique de l’ère baroque, nous en dit long sur l’admiration de celui-ci envers son prédécesseur.
Quels sont vos interprètes de références séparément pour Rameau et Debussy ?
Pour Debussy, mon enregistrement de référence a été celui de Michelangeli. Sa perfection sonore et sa compréhension profonde de cette musique n’ont pas d’égales à mon avis. J’aime néanmoins aussi beaucoup l’enregistrement de  Samson François et la version (ce n’est malheureusement pas un enregistrement) d’ Alexandar Madzar qui est tellement remplie d « images », très suggestive et évocative.
Pour Rameau, j’ai beaucoup écouté la version clavecinistique de Scott Ross ainsi que celle de Sophie Yates ; au piano j’aime l’enregistrement de Denys Proshayev que j’ai d’ailleurs rencontré personnellement, nous avons eu un bel échange sur Rameau. Ensuite, comme j’ai eu la chance de travailler Rameau au clavecin avec le merveilleux claveciniste français Frédérick Haas, je pense que finalement, c’est de lui (et non des enregistrements) que j’ai appris le plus, et que je me suis laissée inspirer le plus.
Qu’est-ce qui vous tient plus particulièrement à cœur dans votre propre interprétation de ces œuvres ?
J’ai cherché à rendre une version de Rameau qui soit proche du style et des traditions baroques, les libertés que je prends (par exemple par rapport à l’ornementation) ne sont donc vraiment pas énormes. J’essaie de respecter de très près la façon baroque de jouer, notamment en ce qui concerne les notes inégales, et les ornements. Par contre, au niveau du son, comme j’ai choisi d’interpréter la suite au piano, je prends les libertés que l’instrument moderne met à ma disposition, je ne cherche absolument pas à me « limiter » dans la sonorité, comme le serait la sonorité du clavecin. Du coup, je pense que ma version est assez « traditionnelle », les musiciens baroques ne me reprocheront pas, espérons-le, d’en avoir fait une musique trop « libre », éloignée du style ; mais d’un autre côté elle est très libre et exubérante au niveau de l’expression véhiculée par le son. Evidemment, en procédant de cette manière-là, la musique de Rameau se rapproche quelque part de celle de Debussy, par le simple fait que les moyens d’expression utilisés soient les mêmes. Les mondes sonores se ressemblent davantage (en tout cas plus que si j’avais joué Rameau au clavecin) ; du coup le rapprochement est plus facile à faire.
L’espace, comme évoqué sur la pochette du disque, est un élément essentiel dans la musique des deux compositeurs français : chez Rameau, la suite est une succession de danses (comme toujours dans la suite : allemandes, courant, gigue, menuet….), la notion d’espace liée à celle du temps est extrêmement importante. Cette musique perd son intérêt si elle est jouée de façon trop plate, il faut chercher à la rendre vivante par la grâce du toucher, mais également par le rapport au corps, à l’élément dansant, au geste dans l’espace : très souvent les figures rhétoriques qu’écrit Rameau sont comparables à la rhétorique et aux accents de la langue française, à l’intonation de la langue, tout comme aux pas de danse typiques des danses évoquées dans la suite. En tirant ce parallèle entre, et la langue française, et la danse baroque, l’interprète est mené vers une interprétation vivante, riche en expression.
 Chez Debussy, la spatialité joue également un rôle prépondérant, et cela grâce aux couleurs très « vastes » qu’il écrit, quasiment sans mélodie (comme par exemple dans « Et la lune descend sur le temple qui fut » : il s’agit de lents accords plaqués dans le « vide », il n’y pas de mélodie, juste des coups de pinceaux par ci par là, le tout devant être relié par une énorme tension intérieure, créant cette impression d’infini, d’intemporalité…). L’absence d’élément « concret », de mélodie palpable par exemple , plonge l’auditeur dans une espèce de méditation éternelle, il se perd dans l’espace et dans le temps, et y navigue aux sonorités douces et moelleuses du piano.
C’était votre premier enregistrement, comment l’avez-vous vécu ?
Très bien ! Je dois dire que l’entente avec l’ingénieur du son ainsi qu’avec le label a été fantastique et que je n’ai pas rencontré de problèmes majeurs en cours de route. Evidemment un enregistrement est toujours un moment très intense et fatiguant puisqu’on essaie de donner le maximum pendant 3 jours, mais je dois vraiment dire que je suis satisfaite de ce premier disque, et de la façon dont il a été enregistré (et est reçu/apprécié pour le moment).
Quels sont vos prochains concerts et éventuels autres projets ?
Mes prochains concerts seront quasiment tous dédiés à la sortie du disque : je me produirai (avec entre autre le programme du disque, mais aussi des œuvres de Brahms et Liszt) à Londres, Bruxelles, Paris (Salle Cortot, festival Autour du piano), Philharmonie de Luxembourg, Rome, Berlin…
Mon prochain très grand projet sera le 2è disque qui sera enregistré au mois de juillet avec le Liepaja Symphony Amber Sound Orchestre en Lettonie, on va enregistrer le concerto pour piano et orchestre op 20 de Scriabine, ainsi que le « Poème de l’extase » et la « Rêverie » du même compositeur.
Un autre projet que je vais bientôt réaliser est la création d’un festival d’art pluridisciplinaire à Luxembourg, au profit de « Médecins sans frontières », le festival ouvrira ses portes le 18 novembre 2016.


Pour écouter
avec l'aimable autorisation
du label Orlando Records
Sabine Weyer, piano
Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Suite en la mineur (1706) - Sarabande
( et non "Gigue" comme l'éditeur l'a indiqué par erreur sur le disque)
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Sabine Weyer, piano
Claude Debussy (1862-1918)
Images, livre 2 - Hommage à Rameau
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