Gabriel Fauré Nocturnes Emile Naoumoff

Gabriel Fauré
Nocturnes
Emile Naoumoff

Au delà d'une évocation de la nuit, il serait tentant de scinder les treize nocturnes de Fauré en deux autres thèmes inspirateurs de la grande tension dramatique qui y règne : l'amour( jusqu'au huitième nocturne, ceux-ci sont presque tous dans une tonalité majeur) et la mort(à partir du neuvième nocturne jusqu'au dernier, et tous dans une tonalité mineur, couleur du drame), dont la césure coïnciderait exactement avec celle chronologique de l'apparition de la surdité du compositeur vers 1903 et sans doute d'un sentiment de solitude et d'interrogation encore plus douloureuse expliquant le tournant musical de son oeuvre devenant alors plus intérieure. Mais ce serait sans doute par trop simpliste car en fait les musicologues distinguent trois périodes dans la longue carrière (plus de quarante cinq ans) de Gabriel Fauré, et durant laquelle la composition de ces nocturnes s'étale, le premier nocturne datant de 1875 et le dernier de 1922. Une première époque où domine une musique romantique (jusqu'en 1886 environ) inspirée de celle de Chopin et Mendelssohn, la seconde période qui irait jusqu'aux alentours de 1904, d'une maturité croissante, plus poétique et enfin la troisième période jusqu'à sa mort en 1924 avec une musique plus personnelle et intime, plus énigmatique, plus profonde.

Mais faut-il réellement chercher à scinder ces nocturnes, car l'on peut par exemple être surpris du style déjà étonnamment très personnel du premier nocturne (plus que celui des trois suivants) et sans doute vaut-il mieux se contenter de suivre simplement le fil de ces treize nocturnes comme celui d'un journal d'une vie de créations, comme un souffle continu, tel le suggère le pianiste Emile Naoumoff constatant : "Chez Fauré la plupart des nocturnes s'assimilent à des poèmes symphoniques ou lyriques concentrés sur eux-mêmes. Le noyau musical est si dense qu'il me semble qu'après chaque écoute, qu'il se déploie en nous-mêmes, prenant toute sa dimension, comme un souffle qui embellit l'âme".
Peut-être était-il incongru de demander à cet interprète (qui "vit" avec Fauré depuis sa jeune enfance, dernier disciple de Nadia Boulanger qui fût elle-même élève de Fauré) quel est son nocturne de prédilection mais Emile Naoumoff a bien voulu en désigner un : "Le septième, que je croyais héroïque et que j'ai redécouvert..érotique, m'émeut et me transporte au même titre que la sonate de Liszt qui est une élévation de l'amour charnel ou sacré selon ce que chacun y percevra". Vous le trouverez donc en écoute en page " morceau du mois", avec l'aimable autorisation du Label Saphir.

Emile Naoumoff offre dans ce double album enregistré sur un piano de la marque Fazioli à la très belle sonorité, une interprétation sobre, à un tempo personnel parfois plus lent, qui exalte les couleurs impressionnistes et la profondeur de ces nocturnes. La clarté lunaire des premiers nocturnes s'estompent au fur et à mesure , pour une dernière, et des plus splendides, apparition dans le mouvement central du dernier nocturne, il est compréhensible que l'étude de ce nocturne auprès de Nadia Boulanger ait marqué Emile Naoumoff.
Il donnera un concert le 30 octobre 2007 à la salle Archipel à Paris mais indique que "Bien que Mademoiselle Boulanger insistait à ce que je ne cherche pas à séduire un auditoire avec ce répertoire je pense que la subtile atmosphère qui se dégage des univers Fauréens est charismatique par elle-même, et même dans le format du concert qui privilégie le vedettariat des vivants (interprètes) au détriment des morts (les compositeurs) , ce pourquoi à l'issue de l'exécution des nocturnes lors des applaudissements je dis au public : "merci pour lui".". Mais c'est là grande modestie car chacun sait que sans talent de son interprète, une oeuvre aussi belle fut-elle ne peut être apprécier à sa juste mesure, or nul doute que chaque auditeur de cet enregistrement sera sensible à ce "souffle qui embellit l'âme".

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Pour écouter le septième nocturne(pendant le mois de septembre 2007)...cliquez ici

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