Gabriel Fauré Barcarolles Delphine Bardin

Gabriel Fauré(1845-1924)
Barcarolles
Delphine Bardin

S'il est une page de compositeur qui fait grandement défaut sur pianobleu.com c'est une consacrée au compositeur Gabriel Fauré, cela fait pourtant partie des projets depuis plus de ... huit ans, ce très beau disque que Delphine Bardin avait quant à elle depuis plus de dix ans le souhait d'enregistrer vient (encore) rappeler la nécessité d'en réaliser une... Par contre cette pianiste discrète, pourtant lauréate du 1er Prix Clara Haskil en 1997, que l'on avait pu notamment entendre dans un disque "Sélection du mois avril 2005 piano-voix" avec la soprano québécoise Hélène Guilmette a bien voulu répondre à nombreuses questions sur son parcours ainsi que sur ce disque, et pour découvrir cette musicienne sincère et passionnée vous pouvez donc consulter la page la concernant en cliquant sur son nom ci-dessus en bleu pour la lire si ce n'est déjà fait...
"Un peu avant celle de Debussy, l'oeuvre pianistique de Fauré constitue le plus important corpus dédié au clavier au terme d'un XIXème siècle français assez pauvre en la matière" indique Nicolas Southon auteur d'une partie du livret, quant à Delphine Bardin dont on peut mesurer la grande admiration qu'elle porte à ce compositeur dans les réponses qu'elles a bien voulu donner (voir ci-dessous), elle cite également dans le livret une phrase du propre fils de Gabriel Fauré qui montre l'importance de son oeuvre  :"Des valeurs tendres ou pathétiques, lumineuses, aériennes, qui sont de la vie à l'état pur, l'oeuvre de Fauré n'est que cela- qui est tout." S'il a déjà été présenté sur pianobleu.com trois disques des "Nocturnes" de Fauré, les "Barcarolles" font leur première apparition sur le site, elles sont au nombre de treize comme les Nocturnes et leur composition s'étendit aussi sur ce qui est généralement présenté comme ses trois périodes créatrices distinctes de 1881 à 1921. Et c'est aussi un immense plaisir que de réaliser grâce à cette musique "pleine d'élans" ce beau voyage riche en émotions auquel nous convie Delphine Bardin dont le disque, paru chez le label Alpha, a d'ailleurs été récompensée d'un Diapason d'or. Vous pourrez écouter, une "étape majeure" de ce voyage : la cinquième Barcarolle, une pièce particulièrement agitée mais vraiment splendide !...
Dans quelles circonstances ce disque a-t-il été réalisé et que représente Fauré dans votre répertoire ?
Ce disque a été réalisé grâce à la Fondation Natixis, de laquelle j'ai reçu une bourse il y a plusieurs années. Le label Alpha, que j'ai rencontré grâce à mon agent, s'est montré intéressé par ce répertoire, ayant un catalogue essentiellement consacré à la musique baroque.
Fauré tient bien sûr une place très importante dans mon répertoire, même si je ne le joue pas parfois pendant des semaines. Je crois que tous les compositeurs qui ont provoqué une impression très forte dans l'enfance occupent une place à part, car ce qu'un enfant ressent face à une oeuvre qui le touche est nécessairement pur et sans fard, et ce sentiment d'une chose essentielle reste présent pour toujours. Fauré est pour le moins l'un des plus grands compositeurs francais, que ce soit dans les oeuvres de piano comme les Barcarolles, Nocturnes, Préludes, ou le Requiem, la musique de chambre... son message est d'une profondeur et d'une pureté, d'une vérité, qui ne finit pas d'émerveiller.
Je pensais depuis dix ans à proposer un enregistrement des Barcarolles qui me fascinent depuis que j'ai commencé à les découvrir. Elles sont un des sommets de la musique, il est difficile d'évoquer par les mots l'élan, le souffle, l'intensité, le raffinement de chacune de ces pages, sans exception ; cette musique est une telle source d'émotion, elle est si vraie, et finalement je me dis que si elle est peu jouée (du moins en France), c'est peut-être justement parce qu'elle est d'une essence si secrète... mais en même temps c'est si regrettable qu'elle ne soit pas toujours connue et aimée autant qu'elle le mérite.
Les Barcarolles sont parfois sous-estimées par rapport aux Nocturnes de Fauré, en quoi ces pièces vous semblent-elles tout autant appréciables ?
Lorsque j''ai commencé à travailler certaines Barcarolles, il y a donc dix ans, j'avais travaillé quelques Nocturnes et j'ai eu envie de découvrir les Barcarolles. Chacune est belle et constitue un tout en soi, mais les jouer toutes ensemble est un extraordinaire voyage... qui s'étend sur quarante années de création, puisque Fauré les a écrites entre 1881 et 1921. Lorsqu'on commence à entrer dans ce monde merveilleux, il est difficile de s'arrêter en chemin, tant les Treize Barcarolles forment un tout équilibré, avec leur alternance de gravité, de nostalgie, de lumière. La voix de Camille Maurane, un des plus grands fauréens, m'a beaucoup accompagnée durant ces années, ses enregistrements de l'Horizon chimérique, des Mélodies, du Requiem, sont d'une beauté incomparable. Je ne sais pas pourquoi on les joue moins que les Nocturnes, je n'ai pas d'explication, je ne peux répondre que par une autre question : pourquoi entend-on si peu la deuxième Sonate pour violon, le Trio avec piano ? Et même le deuxième Quintette, qui est un des plus importants de la musique de chambre, est bien peu joué.
C'est peut-être que cette musique a autant de transparence que de profondeur ; si on jette un regard rapide à un lac profond, on pense seulement : comme cette eau est claire ! On en voit le fond ! Mais si on s'y penche un peu plus longtemps, il apparaît qu'elle est limpide sur une telle distance, que nous réalisons à quel point il est miraculeux de distinguer quelque chose du fond. Par l'image de cette distance, je voudrais exprimer l'idée du poids de cette musique, qui est totalement étrangère à toute superficialité.
Cette musique a besoin de temps, beaucoup de temps, et à notre époque la vie fait que nous devons aller si vite et être pressés, c'est en contradiction avec l'esprit de cette musique, bien sûr pleine d'élans, mais aussi tellement contemplative. Elle ne fait pas non plus beaucoup d'effet,elle paraît simple à jouer, c'est parce que Fauré écrit d'une manière si naturelle pour le piano.
Elle est également délicate pour la mémoire, en tous cas pour moi.
Pour revenir à la comparaison avec les Nocturnes : il est vrai qu'on joue beaucoup le 6e, c'est le plus connu, mais joue-t-on si souvent le 1er ? connaît-on si bien les sombres et magnifiques 7e et 12e...?

Le titre "Barcarolles" de Fauré se réfèrent à l'univers aquatique et vénitien… et l'illustration de votre disque est un tableau d'Edouard Manet "Le grand canal à Venise ou Venise bleue "….avez-vous eu l'occasion d'aller à Venise et dans l'affirmatif pensez-vous que cela ait eu une influence quelconque sur votre interprétation ?
En fait je n'ai jamais pensé à Venise et à ses canaux pendant que je travaillais les Barcarolles... le tableau d'Edouard Manet est le choix du label. J'aurais préféré, bien que cette musique soit finalement si peu descriptive, une évocation de la mer, d'un vaste horizon (ou peut-être d'un fleuve large et libre ,tel la Loire...), à l'intimité des canaux vénitiens. Cette musique est à mon sens bien plus proche de l'impression que donnent la mer et de vastes étendues, son élan si poignant est, pour moi, celui que l'on perçoit dans le cycle de l'Horizon chimérique et a bien peu à voir avec les gondoles...
A quoi avez-vous le plus attaché d'importance dans votre interprétation, qu'est-ce qui vous a tenu le plus à cœur ?
J''ai eu la chance d'écouter un enregistrement du début de la 1ère Barcarolle par Fauré lui-même, n y perçoit bien sa vision d'une musique droite et vraie, c'est à dire sans complaisance, ce n'est pas une musique "gracieuse", même si elle est d'un raffinement toujours tres délicat, elle est avant tout la musique de l'élan, elle exprime ce qui est vaste et pourtant si interieure, un peu comme chez Schumann...
Certaines barcarolles ont-elles votre préférence ?
Je les aime toutes les treize, autant les unes que les autres, aussi bien les plus sombres (7e, 9 à 11) que celles du début, et autant les plus sereines et lumineuses (6e, 8e, puis les deux dernières). Le coeur de ce cycle, qui est à la fois une sorte d'aboutissement des premières Barcarolles, et l'annonce de celles qui suivent, est certainement la 5e, dont Cortot écrit qu'elle est aux Barcarolles ce que le sixième Nocturne est aux Nocturnes: "elle les domine par une semblable concentration émotive, il s'en dégage le même rayonnement intérieur".
Chacune prise à part est magnifique et inspirée de la première à la dernière note, et lorsqu'on les joue toutes ensemble, à la suite, il apparaît que chacune est une part indispensable de ce voyage, et on ressent une grande impression d'unité, ce qui est extraordinaire puisqu'elles ne sont pas conçues comme un cycle et que quarante années séparent la première de la dernière !
Avez-vous eu souvent l'occasion de ces barcarolles en concert et si c'est le cas en jouez-vous l'intégralité ou plutôt une sélection ?
J'ai joué assez souvent des Barcarolles en concert, mais jamais l'intégrale, je ne suis pas sûre que ma mémoire serait assez fidèle pour les jouer toutes en concert. Je les ai jouées par petits groupes, mélangeant les différentes époques, et alternant par exemple avec les Nocturnes.
Comment avez-vous vécu l'enregistrement ?
Il a été réalisé dans un endroit idéal, le studio d'enregistrement de la Chaux-de-Fond, qui est une salle de concert, à laquelle le bois donne une très belle accoustique. Un enregistrement, même s'il s'agit de piano seul, est toujours le résultat d'une collaboration, entre le musicien et l'ingénieur artistique, et le préparateur de piano ; la direction artistique était assurée par Hugues Deschaux, avec lequel j'ai beaucoup aimé ce travail de recherche qu'est l'enregistrement. Je trouve qu'on ne parle pas suffisamment de ces métiers si difficiles que sont ceux de preneur de son et directeur artistique. Parfois deux personnes distinctes assurent ces rôles, pour Fauré, Hugues Deschaux les assumaient tous deux. Sans une belle prise de son, sans l'oreille et les conseils d'un bon directeur artistique, aucun disque ne peut voir le jour !
Essentiels aussi ont été les conseils de Joël Jobbé, préparateur du piano, un artiste du son ,passionné et qui était présent pendant tout l'enregistrement ; c'est à lui que je dois le choix du piano, qui est l'ancien piano de la Chaux-de-Fond, ce piano a beaucoup souffert par suite d'une très mauvaise réharmonisation, et j'avais choisi un autre Steinway, peut-être plus fiable, mais Joël Jobbé a su me convaincre de la chaleur de timbre du piano maltraité, qu'il a soigné comme un enfant, et je ne regrette pas de l'avoir écouté ! Je tiens à en parler car dans beaucoup de pochettes de disque le nom du technicien pour le piano n'apparaît pas, je trouve que c'est un manque de respect et de reconnaissance vis-à-vis d'un travail considérable.
L'enregistrement est comme une loupe, tous nos défauts apparaissent grossis et sautent aux oreilles ; mais aussi cette recherche est fascinante, faire une prise puis revenir écouter avec l'ingénieur du son, ensuite faire une seconde prise en tenant compte de ses suggestions... Tout cela est passionnant, et ne peut bien fonctionner qu'avec un rapport de grande confiance artistique.
Travailler dans la solitude du studio d'enregistrement, je trouve cela très beau.
Puis tout le travail de montage, toutes les questions parfois insolubles qu'on se pose en écoutant les prises, le travail de détail mais sans perdre de vue l'essentiel, qui est l'élan, la ligne...c'est une recherche sans fin.
Quels sont vos prochains concerts et autres projets ?
Avec le Trio Pilgrim : 15 janvier 2011 à Montauroux, puis le 27 mars au Théâtre de Tours, et le 12 mai 2011 à Paris.
A vec Elsa Grether : le 11 janvier 20100 à l'Auditorium du Vaucluse
Récital le 1er/04 à Corseaux (Suisse), d 'autres concerts avant mais privés...et concerts de Partage de Pro Musicis, avec Elsa Grether et Dana Ciocarlie à 4 mains.

Pour écouter
Gabriel Fauré
Cinquième Barcarolle
Delphine Bardin, piano
avec l'aimable autorisation
du label
Alpha
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