Elsa Cassac bientôt en concert interviewée par Philippe
Bianconi
La
pianiste Elsa Cassac est invitée du 37° Festival " Génération
virtuoses " d'Antibes le 25 juin 2008 à cette occasion le
pianiste Philippe Bianconi, qui a été
son professeur, l'a interviewée afin de la faire découvrir
aux lecteurs de pianobleu.com. Nombreux autres concerts permettront
également d'aller à la rencontre de cette pianiste, notez
les bien sur vos agendas !
Quelles sont les impressions d'une jeune pianiste
à la veille de sa participation à un grand Festival ?
Je suis très heureuse bien entendu de participer à un
véritable Festival de la " jeunesse ", entourée
par un pléiade de grands musiciens. D'abord d'interpréter
le Concerto de Ravel en sol, brillant, optimiste et poétique
à la fois. J'aime l'osmose entre la tradition de la forme et
la nouveauté des rythmes. Ravel est un musicien avec lequel j'ai
un rapport depuis de très longues années.
Ensuite la perspective de retrouver l'orchestre Régional Cannes
Paca et Philippe Bender est aussi une grande satisfaction musicale et
amicale. J'ai beaucoup d'amis dans cet orchestre et Philippe Bender
me fait confiance depuis longtemps. Cela m'a permis aussi de nouer des
liens très chaleureux avec l'organisateur émérite
de ce beau festival, Yves Nadeau.
Si tu devais te présenter en peu de mots
aux internautes que dirais-tu ?
Je dirai que je suis une jeune femme bien dans son époque.
Musicienne par nécessité presque " vitale ",
qui évolue dans un univers sonore, celui du piano, qui s'est
très tôt imposé à moi
et que nous nous
sommes tout de suite bien entendus !
Qu'entends-tu par le piano s'est " imposé
à moi " ?
Mes parents professeurs étaient souvent plongés dans
les livres. Par mimétisme ou par curiosité, j'ai eu très
tôt l'envie de lire, moi aussi. Malheureusement ils n'avaient
pas l'intention de m'initier à la lecture et désiraient
plutôt me laisser vivre ma vie d'enfant, j'avais 4 ans à
peine, et puis il y avait un piano à la maison, mon père
jouait et prenait des cours
je l'ai assez rapidement écarté
de l'instrument qui est devenu le mien, exclusif !
Quel a été alors ton parcours
?
Un parcours relativement classique
J'ai fait un cycle d'études complet au CNR de Nice en piano,
musique de chambre, diction-art dramatique. J'y ai obtenu mes prix dans
toutes ces disciplines. En 1991, j'ai remporté le 1° Prix
au concours International Claude Debussy ; puis en 1993 j'ai intégré
la classe de piano du Conservatoire National Supérieur de Musique
de Paris. Après avoir remporté mes Prix de Piano et de
Musique de Chambre, j'ai été reçue en cycle de
Perfectionnement avec la flûtiste Anne-Cécile Cuniot.
Un parcours émaillé de rencontres
?
Oui et les rencontres sont essentielles.
J'ai eu la chance d'être initiée par une pianiste merveilleuse
qui m'a suivie pendant de nombreuses années. Elle était
disciple d'Alfred Cortot. Une personnalité marquante : la musicienne,
le professeur, la femme et son histoire. Sa patience, sa douceur en
même temps que sa ferme volonté de faire parvenir ses élèves
au meilleur, tout de suite, dès les premiers cours. Je m'en souviens
encore. J'ai été initiée au long travail sur la
" pâte sonore " qu'elle me faisait chercher, encore
et encore. Chaque son comme s'il était unique, en me guidant
et en éveillant mon sens musical et critique à la fois,
la souplesse physiologique, la justesse et la précision du geste,
les couleurs, l'intelligence du texte et même le ressenti et le
vécu de la musique
tout était abordé, bien
que je fus petite fille, c'était un travail de professionnel.
Une école naturelle de l'exigence musicale en quelque sorte.
Puis très tôt, j'ai fait d'autres rencontres marquantes,
sûrement déterminantes. A 8 ans, j'ai eu la chance que
Madame Delbert-Février me place sous le regard d'un certain Philippe
Bianconi, vous connaissez la suite ! Mais, votre modestie dût-elle
en souffrir, je me dois de préciser que depuis je vous considère
comme mon mentor et vous ne me démentirez si je dis que l'entente
musicale et humaine fut immédiate et qu'elle dure toujours depuis
plus de 20 ans ! Je voudrais ajouter en aparté pour les internautes,
à l'abri de vos oreilles, que la rencontre avec Philippe Bianconi
pianiste et artiste hors pair, pédagogue né et ami sincère,
est une chose rare et précieuse dans une vie de musicienne.
Quelques temps après, j'ai rencontré Catherine Collard,
prodigieuse artiste dotée d'une personnalité inoubliable
très tôt disparue. Puis ce fut Jacques Rouvier, le "
maître " comme nous l'appelons tous. La rigueur et la précision,
le respect du texte, du style, l'art du dépassement de soi et
de l'intransigeance, c'est Rouvier, un immense professeur. Je me suis
pleinement rendue compte de ce patrimoine quand j'ai commencé
à enseigner.
Ces trois rencontres ont été fondatrices de ma vie de
musicienne. J'ai rencontré d'autres personnalités qui
m'ont beaucoup apporté aussi. Au CNR de Nice ce fut notamment
l'incontournable Odile Poisson qui a formé une légion
de pianistes. Depuis, j'ai fait d'autres rencontres importantes et marquantes,
celle du grand pianiste Frédéric Aguessy, un maître
dont j'ai encore un réel plaisir à recevoir les conseils.
Quels sont les souvenirs marquants de tes "
années-conservatoire " ?
Comment oublier les années de Conservatoire à Nice entourée
de professeurs chaleureux et de camarades pour la vie ? Comment oublier
le CNSM de Paris, grande période de ma vie préprofessionnelle.
J'y ai rencontré des maîtres inoubliables J. Rouvier bien
sur, G. Frémy, J. F. Heisser, M.F. Bucquet, C. Ivaldi pour les
pianistes, mais aussi David Walter, Michel Moraguès, Amy Flammer
. La diversité et la richesse des personnalités
que j'ai eu l'occasion de rencontrer furent exaltante pour la jeune
musicienne !
Mes souvenirs les plus intenses sont ceux liés à des aventures
musicales ou théâtrales galvanisantes, dès mon enfance.
Dans les coulisses, j'étais dans mon élément, j'attendais
d'avoir le trac avec impatience. Le retour à l'école le
lendemain d'une répétition était affligeant pour
moi, l'ambiance y était d'une telle monotonie. Il y a aussi bien
sûr les rencontres avec ceux qui sont mes amis et mes partenaires
aujourd'hui : la complicité tacite et l'amitié entre musiciens
est un excellent moteur pour franchir les étapes d'un métier
difficile.
Pourrais-tu parler de ta vocation de comédienne
" contrariée " ?
Contrariée oui, peut-être, dans un certain sens
Au CNR de Nice j'ai eu une seconde révélation. Mes parents
me proposèrent à l'âge de 6 ans, de participer aux
cours de diction. Second choc et seconde passion : sans savoir ce qu'était
la poésie, j'apprenais des textes dont je scrutais le sens. Mes
efforts furent très vite récompensés et mon professeur
me jeta sur scène, devant le public pour dire des textes. Elle
me fit même le grand honneur de m'inviter à dire "
Voyelles " lors d'un de ses spectacles à elle. L'intensité
de cette nouvelle expérience artistique m'a conquise sur le champ
!
Je menais les deux activités avec passion et engagement, jusqu'à
ce qu'un autre épisode, tout aussi exaltant, vienne confirmer
ce bonheur. Je fus désignée pour être l'une des
deux récitantes de l'Opéra pour enfants composé
par Jacques Charpentier, Manque de Chance. Et l'aventure commença.
La scène immense de l'Acropolis de Nice, les répétitions,
1000 enfants musiciens, choristes, danseurs sur scène
nous
deux à l'avant-scène qui menions le jeu en racontant l'histoire
tirée d'un conte de Pierre Gripari
les coulisses, les représentations,
les saluts avec toute la troupe
! Vous imaginez qu'il y a de quoi
enflammer la passion à tout juste 9 ans. Mais
mais les
prix de diction et de perfectionnement obtenus à 11 ans, il a
malheureusement fallu faire un choix.
et le déclic s'est
opéré pendant un concert à l'Opéra de Nice,
je devais avoir 12 ans
et j'ai compris au fond de moi que je voulais
faire de la musique mon métier et ce qui n'avait été
pour moi qu'une évidence, est devenue une décision consciente.
Je quittais la classe d'art dramatique mais en fait je ne savais pas
que je l'avais quittée ! C'est compliqué mais c'est un
peu comme ça que je l'ai vécu.
Ce fut un choix ou un déchirement, as-tu
eu des regrets ?
Quelques mois après, j'ai éprouvé un sentiment
de manque, je ressentis une cassure, c'est vrai. Moi qui me nourrissais
des vers de Cyrano, qui me rêvais en Dorine, la transition n'a
pas été facile
! Disons que j'avais la chance de
pratiquer un autre art, complexe et exigeant qui m'accaparait totalement.
Ça permettait à la déchirure de se refermer doucement.
Par la suite, lors de chaque concours de fin d'année, mon professeur
me gratifiait d'une invitation à donner la réplique aux
élèves de son cours. Une fête, un peu triste, mais
une fête quand même !
Avec le recul, je pense que la musique est un monde de sensations qui
convenait sûrement mieux à l'instinctive que je suis. D'ailleurs
lorsque j'étais étudiante au Conservatoire de Paris, j'ai
tourné dans un téléfilm avec Michel Aumont qui
m'a gentiment demandé si je ne voulais pas faire du théâtre
et du cinéma et j'ai répondu que pour l'instant je faisais
des études de piano ! Ai-je eu tort de ne pas renouer avec mes
premières amours ? Je ne sais
Le théâtre a-t-il apporté
quelque chose à ta vie de pianiste ?
L'assurance et l'aisance en scène sans doute. Le théâtre,
comme le chant, oblige à s'exprimer de façon " directe
", sans " intermédiaire "
on apprend la
maîtrise de son propre corps, des émotions qui peuvent
faire dévier la voix, parler trop fort ou pas assez
on
est finalement plus à nu encore que les instrumentistes. Cela
ne veut pas dire qu'un violoniste ou un pianiste se " cache "
derrière son instrument, nous avons d'autres paramètres
très délicats à gérer !
En dehors de ça, la connaissance des beaux textes fondateurs
de la littérature, du théâtre, de la poésie
est précieuse pour l'imagination d'un musicien car la littérature
nourrit autant que la vie.
Tu as retrouvé la scène et le
théâtre musical ces dernières années ?
En effet, il y a 5 ans avec le comédien, Alexandre Chuat, nous
avons décidé de créer et monter un spectacle qui
allie textes et musiques. Vaste défi, car nous voulions être
" neufs "
dans un domaine ancien. Notre volonté
était de " composer " un univers authentique qui racontât
aussi une histoire. La collaboration fut intense et fructueuse : avec
des mots et des sons nous avons fait naître Miroirs.
La recherche et le choix des textes furent exaltants, leur projection
dans les musiques fut une expérience créatrice inédite
par rapport au travail habituel de pianiste. Nous ne voulions pas nous
contenter d'une simple alternance de textes et de musiques. Dans Miroirs,
il y a deux personnages, ils se comprennent, se parlent, se contrarient,
souffrent et rient ensemble. Ce sont deux entités qui sont en
scène et une réelle dramaturgie se déroule tout
au long du spectacle. Avec de belles surprises dans la combinaison des
musiques et des textes, du chant, de la danse, des scènes dialoguées,
le piano qui parle et la voix qui joue
Ce spectacle rencontre un
grand succès auprès du public et nous le jouons toujours
assez régulièrement.
Revenons au piano, que fais-tu depuis ta sortie
du Conservatoire de Paris ?
Outre les concerts et spectacles, j'enseigne avec passion depuis quelques
années, j'ai commencé avant même de finir mes études
au CNSM à Paris.
J'y prends un réel plaisir, il m'est presque indispensable de
partager ma passion de la musique, du piano et du monde sonore avec
les élèves qui se lancent courageusement dans cette voie.
Et puis, on apprend plus qu'il n'y pourrait paraître au contact
des enfants. Enseigner, crée une émulation intellectuelle,
c'est un moment d'écoute et d'échange, tant de pistes
de réflexion s'ouvrent
Le rôle de l'artiste-enseignant-interprète
est une " réalité sociale", indispensable. C'est
valorisant de se savoir utile, non ?
Qu'est-ce que les années ont apportées
à ton travail de pianiste ?
Comme tout le monde, je fais ma propre " cuisine " en puisant
dans mes expériences. La façon d'aborder le travail avec
les multiples partenaires de musique de chambre est par exemple particulièrement
enrichissante. Ne pas envisager la musique sous le seul angle pianistique
est essentiel. Se nourrir de musiques classiques et contemporaines,
bien sûr, mais de toutes les autres aussi, jazz et variétés
car il y a beaucoup de créativité sonore dans ce domaine
et aussi lire, aller au théâtre, voir des films
vivre,
faire tout ce qui est indispensable à la vie et qui donne les
références pour " interpréter " les uvres
déjà mille fois jouées avant soi. La musique est
une quête de vérité
et la vérité
est un puits sans fond !
As-tu un répertoire de prédilection
?
La nature, la sensibilité et le tempérament personnel
portent naturellement vers tel ou tel style, surtout au début
du parcours d'apprenti musicien. Pour ma part, le romantisme allemand,
Ravel et Debussy, les compositeurs russes m'attiraient comme un aimant.
Puis, la rencontre avec les autres styles, les autres époques,
les multiples esthétiques, au cours des années d'études
au Conservatoire et par la suite encore, ont eu la vertu d'élargir
mon répertoire et d'éveiller en même temps ma curiosité.
Ma connaissance n'est pas universelle bien entendu, le répertoire
de piano est immense. Mais j'aime me plonger dans l'univers d'un compositeur
que je ne connais pas ou peu, comme on plonge dans l'ambiance d'un roman
ou d'un film. J'aime me documenter sur l'époque, la vie, les
autres uvres du répertoire, ses contemporains, les autres
artistes. C'est aussi chaque fois un voyage dans une culture différente
que j'accomplis.
Comment choisis-tu tes programmes de récital
?
Oserai-je le dire
j'ai fonctionné et je fonctionne encore
beaucoup à l'instinct, à l'envie aussi - en dehors des
demandes particulières de certains organisateurs de concerts-
en évitant l'écueil des programmes un peu trop "
pédagogiques ", destinés à mettre en valeur
les multiples qualités
.
J'essaye de conjuguer plusieurs paramètres et au premier chef,
je place l'importance " artistique " du récital. Pour
cela j'essaye de créer les conditions les plus favorables pour
que la rencontre avec le public ait lieu. Je veux dire par là
que j'essaye de favoriser la rencontre d'une uvre, d'un genre
musical, d'un style et d'une écriture - d'un génie et
d'une âme- avec le public. Vient ensuite la place assignée
à chaque uvre dans le programme, ce n'est jamais le fruit
du hasard. Les uvres peuvent aussi se faire valoir mutuellement,
se répondre, se compléter, se confronter... tout est question
d'équilibre et de dosage. Nous en avons souvent parlé
ensemble ! J'aime aussi depuis toujours présenter mon programme
aux auditeurs qui, eux, aiment ce contact avec l'artiste. Cela permet
des incursions dans les cultures, les écoles et les genres, ça
contribue à rapprocher la musique du public, c'est important.
Mais je le redis, tout cela ne serait qu'artifice s'il ne se "
passait pas quelque chose " lors du concert. Il faut que le public
et l'interprète se rencontrent, au cur de la musique !
Dans les années à venir mes choix évolueront sans
nul doute, au fil des expériences musicales, au fil des influences
des artistes rencontrés. J'espère aussi qu'une fâcheuse
tendance changera et que les organisateurs de concerts qui demandent
explicitement - encore - que le programme ne comporte pas de musique
contemporaine, seront de moins en moins nombreux. En caricaturant à
peine, c'est un peu comme si on avait demandé à Liszt
de ne jouer que du Mozart !
Quels sont tes projets futurs ?
Continuer de rencontrer le public en concert, lui transmettre "
ma musique ". Enseigner aux jeunes générations. Tout
cela est vital pour la survie de notre art.
Pour le quotidien, j'alterne récitals et concerts de musique
de chambre ; j'ai la chance de partager l'affiche de grands musiciens
comme Laurent Korcia, Philippe Bianconi, Anne Quéffelec, Thierry
Amadi et d'être accueillie par de belles formations comme les
Salzburger Musici du Mozarteum de Salzbourg ou l'Orchestre régional
Cannes-Paca sous la baguette du maître Philippe Bender.
Elsa Cassac sera bientôt en concert les :
Fête de la musique
21 juin 20h 30
Elsa Cassac
Isabelle et Laurent Alonso
Sous la direction de Philippe Bender
et de l'orchestre régional Cannes-Paca
Salle des Arlucs Cannes La Bocca
Mercredi 25 Juin
20H
37e Festival Antibes Génération Virtuose
Villa Eilenroc
Orchestre régional Cannes-Paca
Direction Philippe Bender
Ravel Concerto en sol majeur
*
Dimanche 29 juin 2008
2 1 heures
Eden Beach Casino
Juan les Pins
Récital de piano
Brahms Chopin Debussy Liszt Gershwin
*
11 Juillet 2008
20H30
Concert de Gala " Cercle Musical de Cannes "
Majestic-Barrière de Cannes
Violoncelle -Piano
Thierry Amadi- Elsa Cassac
Beethoven- Chopin- Casadesus-Brahms
*
11 octobre 2008
Auditorium de Suresnes
Festival "Autour du piano"
" Miroirs "
Poésie et piano
Alexandre Chuat- Elsa Cassac
*
8 décembre 2008
Récital
Auditorium de Muret
*
Pour en savoir plus visitez le site internet d'Elsa Cassac ...cliquez
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- Agnès Jourdain
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