Lalo Schifrin - Entretiens avec Georges Michel

Lalo Schifrin
Entretiens avec Georges Michel

Il y a de fortes chances que vous connaissiez le thème musical du célèbre feuilleton américain "Mission impossible", car c'est assurément un générique que l'on n'oublie pas après une seule écoute en raison de sa rythmique très caractéristique. Par contre, il est moins sûr que vous ayez mémorisé le nom de son compositeur mais vous l'aurez bien sûr deviné , par l'objet de cet article : il s'agit de Lalo Schifrin. Cela dit par la lecture de ce ce tout premier livre qui lui est consacré vous découvrirez aussi probablement qu'il y a bien d'autres musiques que vous connaissez de ce compositeur.
Georges Michel, musicien et musicographe, auteur de ce livre, est considéré par Lalo Schifrin comme le meilleur spécialiste de son œuvre, tous genres confondus. Il a pu s'entretenir de nombreuses heures avec lui, à Beverly Hills, en mai 2003 et en délivre aujourd'hui un compte-rendu très précis, intéressant et distrayant.
Né à Buenos Aires le 21 juin 1932, Lalo Schifrin a été l'élève d'Olivier Messiaen, d'Enrico Barenboim, de Juan Carlos Paz. Lalo Schifrin n'aime pas les étiquettes et d'ailleurs il serait bien impossible de lui en "coller" une : sa musique est au carrefour du classique, du contemporain, du jazz, de la pop et des musiques sud-américaines. Il est vrai que c'est avant tout par ses nombreuses musiques de film que le compositeur, pianiste virtuose, et chef d'orchestre est sans doute le plus connu, aussi ce livre intéressera tout autant les cinéphiles que les musicophiles, et doublement ceux qui s'intéressent à ces deux arts, car il y est bien sûr beaucoup question de films hollywoodiens mais aussi français.Lalo Schifrin compare son œuvre pour le cinéma à une maison, dont les fondations en sont...un film français : les Félins (film de René Clément avec Alain Delon).

La nationalité de ce film n'est pas vraiment surprenante puisque , ayant obtenu une bourse d'études, Lalo Schifrin a passé plusieurs années au Conservatoire de Paris. Il y mena une double vie car à l'époque( les années 50) la musique jazz n'était pas appréciée et reconnue comme aujourd'hui : il n’a jamais avoué aux musiciens de jazz avec lesquels il participait aux jam sessions du samedi soir sur la Rive Gauche que tous les dimanches matin, de bonne heure, il allait écouter Olivier Messiaen improviser à l’orgue lors de la messe à l’Eglise de la Trinité. Messiaen, dont Schifrin suivait les cours de classique au conservatoire, ignorait également tout de ses escapades nocturnes. Et même s'il craignait les autorités françaises parce qu'il n'avait pas de carte de séjour mais seulement un visa d'étudiant qui ne lui donnait pas le droit de travailler...cela ne l'empêcha pas d'être engagé par Eddie Barclay et dans l'orchestre d'Eddie Warner.
Mission quasi impossible de résumer ce livre qui aborde nombreux aspects de Lalo Schifrin : sa biographie, les musiciens (interprètes et compositeur) qu'il a côtoyés (ou non : ainsi une rencontre manquée avec sa compatriote : Martha Argerich, à laquelle il aurait aimé confier l'interprétation du concerto n°3 de Prokofiev pour le film "Le Concours"), ses points de vue sur la musique, ses compositions (illustrées par nombreuses photographies de films et feuilletons dont il est l'auteur de la musique : Bullitt - avec Steve Mac Queen- L'inspecteur Harry -avec Clint Eastwood - Un espion de trop- avec Charles Bronson etc, etc...) et se termine par sa discographie complète.....
Mais voici une petite sélection d'extraits qui vous donneront une idée du grand intérêt de ce témoignage :
"Qui suis-je : je ne cesse de le dire , et ce n'est pas par snobisme : j'ai grandi dans la musique classique mais j'ai choisi les deux arts du XXème siècle :, le cinéma et le jazz."
" Mon père enseignait au conservatoire et faisait de la musique de chambre avec Enrico Barenboim. Ils étaient très amis. C'est ce qui l'a décidé à me faire commencer le piano avec lui. J'avais six ans. il était très dur : à la moindre erreur, il me donnait un bon coup de crayon"
" Un soir après son concert au Théâtre Colon, une jam-session se tient à laquelle il [ le pianiste Friedrich Gulda] participe. Il m'invite à jouer à quatre mains avec lui, en se réservant la basse. Tout à coup il me regarde et quelque chose d'intense passe dans le gris de ses yeux. Je n'ai jamais oublié ce regard. Il a eu un effet imparable sur moi, tout est devenu clair : je voulais devenir musicien de jazz. Bien sûr par la suite, Dizzy Gillespie a été une grande révélation mais j'ai été préparé à celle-ci par le regard de Gulda."
"Pour moi Dizzy Gillespie , c'est le Pierre Boulez du jazz, il a une oreille incroyable...l'harmonie pour lui c'était le plus important".
" Au cours d'un repas, mon père s'était débrouillé pour que j'approche Heitor Villa-Lobos. Je lui ai dit :" Maître, je voudrais être compositeur. Quels conseils me donneriez-vous ? il m'a répondu :en portugais : "Contrepoint, contrepoint et contrepoint !". Une phrase déterminante pour moi "
"Les cinq compositeurs les plus importants du 20ème siècle sont à mes yeux , Bartok, Schöenberg, Webern, Berg et...Stravinsky"
"On dit que la musique Africaine est primitive. On se trompe (...) Les Européens étaient tellement intéressés et attirés par le problème de la hauteur de son qu'ils ont sacrifiés le problème de la durée du son. Pour les Africains c'est l'inverse. Le Rythme et la durée du son, très complexes, étant essentiels, ils ont sacrifié la hauteur. Les gammes qu'ils utilisent apparaissent naïves, mais si vous jouez une fugue de Bach à l'attention d'un Africain, ou une symphonie de Beethoven, il trouvera que le rythme est naïf...."
Pour être un musicien de film : "Il faut avoir de solides bases musicales, connaître toutes les techniques de la composition, l'harmonie, le contrepoint, les structures...Mêm si la structure du film dicte la structure de la musique, il faut maîtriser toutes les formes classique et moderne. Il est nécessaire que le compositeur en sache le plus pour utiliser ses techniques personnelles et les développer...."
" J'écoute toujours de la musique, Bach, Ravel, Brad Mehldhau : de grands improvisateurs, mais comme j'ai horreur des étiquettes, je les classe par ordre alphabétique de musiciens".
"Il existe une ville en Floride, Fort Lauderdale, qui est une sorte de cimetière des éléphants pour chefs d'orchestre,. Il y fait beau, on peut y jouer au golf toute la journée. Certains de mes collègues- musiciens classiques ou contemporains- y ont élu résidence. Ils ne veulent plus entendre parler de musique. Cet endroit ne sera jamais le mien. Moi, je veux mourir en travaillant".
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